Quelles devraient être les bonnes pratiques éducatives ?
Éduquer à la responsabilité et à l’esprit critique envers le numérique. Nous savons que vivre dans le numérique affecte notre manière d'exprimer nos idées, de créer notre politique de communication, de partager des informations, de nous exprimer, de voir le monde et les réalités dans lesquelles nous vivons. Cela exige une grande responsabilité, afin que nous puissions toujours communiquer sans dominer, établir des relations sans contrôler les gens, nous exprimer sans la tentation du pouvoir du monde.
Nous nous retrouverons ainsi confrontés à des défis tels que l'individualisme et le relativisme. Des maux qui prennent des traits d'autoréférentialité, d'indifférence, de manque de respect envers la nature, jusqu'aux diverses formes de violence. Parfois, même inconsciemment, la communication numérique pousse et conduit à des situations de conflit personnel et collectif, jusqu'à des formes de radicalisme. Cela peut nous conduire à une crise d’identité numérique. Une sorte de « mythe de la caverne » de Platon dans une version contemporaine. Au lieu de voir les ombres sur le mur d’une vie se déroulant ailleurs, le prisonnier est obligé non seulement d’observer soi-même, mais aussi de voir les autres se montrer sur les réseaux sociaux. Une modalité qui peut nous transformer profondément.
Quelle est l'importance, pour la Famille Salésienne, de comprendre la méthodologie numérique pour l'évangélisation des jeunes, en particulier ceux en situation de vulnérabilité sociale ?
La Congrégation Salésienne, dans ses différents domaines d'intervention, vise à rester toujours en phase avec son temps. Une attitude qui, au fil des années, nous a conduit à rechercher continuellement un dialogue entre la foi et la science, l'Évangile et la culture des jeunes, le Système Préventif et le monde numérique. En tant qu'éducateurs de jeunes, nous avons certainement trouvé des moyens de répondre à la grande transition de la communication vers les technologies de l'information, Internet et les réseaux sociaux.
Avec les laïcs et les éducateurs, nous voulons aborder la réalité en écoutant les nouvelles générations, en accompagnant les adolescents dans leurs mondes sociaux, en trouvant de nouveaux langages et de nouvelles méthodes pour les éduquer à l'amour, au sens de la vie et à la responsabilité, à la construction de leur projet personnel à partir des valeurs de l'Évangile et du Système Préventif.
À travers d'innombrables œuvres salésiennes, notamment en Afrique et en Amérique Latine et dans les Caraïbes, nous éduquons les jeunes de différentes classes, en particulier les plus nécessiteux, à se préparer sur le plan technique et humain à l'utilisation des nouvelles technologies appliquées à l'éducation, aux arts, au travail, à la promotion sociale et au temps libre.
Quelles qualités devons-nous absolument « transmettre » à la génération tactile ?
Les technologies de l'information ont transformé notre façon de penser et d'agir. Elles ont influencé toutes les activités humaines : la façon dont nous étudions, travaillons, voyageons, achetons, faisons des recherches, écoutons de la musique... Le numérique est présent dans presque tout ce que nous faisons. Récemment, nous avons observé l’impact de l’intelligence artificielle, par exemple dans la médecine, la recherche scientifique, la créativité et l’économie.
D’une part, les grandes avancées technologiques contribuent au développement humain, social et culturel ; par contre, elles interrogent la personne. Notre sécurité et notre vie privée sont en danger et une réflexion sur l’éthique de l’intelligence artificielle et l’urgence de la fracture numérique devient de plus en plus urgente. De plus, le numérique a catapulté l’être humain dans une nouvelle dimension temporelle et spatiale, caractérisée par l’instantanéité et l’interactivité. Cette dynamique a fait ressortir divers défis, tels que l'importance du dialogue dans différents contextes sociaux et culturels ; le soin de la santé psychosociale ; l’éthique dans l'élaboration et la transmission de l'information, dans le respect de la personne et de ses valeurs.
Quel « couvre-feu numérique » faudrait-il inventer ?
Je dirais : responsabilité personnelle et sociale ! Un esprit critique profond et attentif envers le numérique ! Sic et simpliciter : l’équilibre ! Une citoyenneté numérique qui permet à chacun d'être responsable de la mise en œuvre au niveau des communautés, des organisations, des groupes ecclésiaux, des groupes sociaux et artistiques, en s'occupant de la gestion politique aux niveaux micro et macro dans chaque nation. Le numérique fait partie du bien commun. Les citoyens de chaque société doivent disposer d'un espace, de structures et d'une législation qui leur permettent de participer aux politiques publiques, telles que la coopération avec les activités scolaires, la santé, le sport et l'art.
Comment « la raison, la religion et l’affection » peuvent-elles être appliquées à la génération tactile ?
Tout d’abord, il faut faire confiance aux jeunes ! Ce sont eux les véritables protagonistes du numérique.
Deuxièmement, il ne faut pas avoir peur du numérique, car il reste une belle opportunité pour éduquer et évangéliser, mais il demande toujours réflexion et discernement. À partir de l’Évangile, il est important de mettre la communion fraternelle au centre de toute forme de communication, en gardant une vision éducative et pastorale salésienne et une éthique qui garantit le respect de la personne humaine et de toute la communauté.
Troisièmement, pour avoir une relation saine avec le numérique, nous devons mettre les jeunes au centre. L'approche salésienne ne peut en effet se réduire à la suggestion banale et superficielle qui invite à télécharger des applications de réseaux sociaux sur son smartphone ou à devenir soi-même le protagoniste d'Instagram ou de Twitch. Éduquer toujours à la créativité et à la responsabilité.
Quatrièmement, il est très important d'adopter plutôt une approche d'accompagnement dynamique, qui se traduit par « marcher aux côtés » de jeunes qui vivent une grande partie de leur vie les yeux rivés sur l'écran de leur téléphone portable. Le plus nécessaire, comme dirait Don Bosco, est de se savoir aimé !
Nous savons que le monde numérique est destiné à se développer, à devenir plus sophistiqué et plus rapide, notamment grâce à l’intelligence artificielle. La technologie va de pair avec le progrès de l'humanité, elle joue un rôle fondamental dans le développement de la science, de la connaissance, des grandes découvertes, de son immense contribution à l'éducation, à la santé, à la démocratie, à la justice et à la paix.
Mais il est de la responsabilité de chaque citoyen et chrétien de s’éduquer de manière éthique pour être un véritable protagoniste de l’utilisation de la technologie pour le bien-être et la sécurité de ses enfants, de sa famille, de sa communauté et de la société en général.