L'entretien complet est rapporté ci-dessous.
Pouvez-vous vous présenter?
Je m'appelle (Joseph) Nguyen Thinh Phuoc, né dans une famille de dix frères et sœurs qui ont grandi dans un environnement catholique traditionnel et pieux. Les jeunes catholiques du Vietnam étaient encouragés à pratiquer la piété et, si possible, à réfléchir à la vie sacerdotale ou religieuse. En fait, tous les cinq premiers fils de ma famille sont entrés parmi les aspirants de diverses congrégations (Frères Chrétiens, Rédemptoristes et Salésiens). Après ma Première Communion, le désir de me rapprocher de Jésus le Seigneur est devenu de plus en plus fort et mon rêve s'est réalisé lorsque j'ai été admis à l'Aspirantat du Lycée Salésien. L'esprit de famille, la proximité, la familiarité joyeuse entre les supérieurs, les frères, les abbés et les élèves, la haute qualité de l'éducation chrétienne dans l'Aspirantat m'ont fait sentir immédiatement que Dieu m'appelait à ce style de vie et je n’ai jamais regretté d’avoir répondu à cet appel jour après jour.
Comment les Salésiens sont-ils arrivés en Asie du Sud-Est ?
Les Salésiens sont arrivés dans la Région Salésienne d'Asie Est-Océanie au début du XXe siècle, avec Macao (Chine) comme première destination (1906), réalisant le rêve missionnaire de Don Bosco (sa vision de Pékin !). Au cours des 3 premières décennies du siècle, les Salésiens se sont installés dans 5 Pays. Après la Seconde Guerre mondiale, 5 autres Pays ont accueilli des missionnaires. Au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, les Salésiens ont commencé des œuvres dans 5 autres Pays. Au cours des 20 dernières années du XXIe siècle, d'autres présences (4 Pays) ont été entamées par ces Provinces consolidées comme des missions de proximité qui deviennent de plus en plus autonomes dans l'inculturation du charisme salésien.
Quelle est la situation générale des chrétiens ?
L'Asie Est-Océanie est une région extrêmement vaste qui comprend actuellement 22 Pays avec des différences très évidentes en termes de culture, de langue, d'histoire, de développement économique et social, de situation politique et, en particulier, d'appartenance religieuse. Il y a des Pays où les chrétiens sont majoritaires, comme les Philippines (95%), la Papouasie-Nouvelle-Guinée (93%) et l'Australie (60% avec les catholiques à 22-23%). D'autres, avec des chiffres plus modérés, comme la Corée du Sud (11%), le Vietnam (7%). Et dans beaucoup d'autres Pays, l'Église Catholique, malgré 500 ans d'évangélisation, est encore minoritaire (Thaïlande, moins de 1% ; Japon 0,05%) et, récemment, avec un nouveau territoire de mission, la Mongolie, avec 1000 catholiques sur une population de 3,3 millions.
Comment se passe le contact avec les autres religions ?
Pour les Asiatiques et les habitants du Pacifique en général (et aussi pour les Australiens qui sont très ouverts aux autres), être différent dans l'appartenance religieuse (croyances, pratiques de piété religieuse) n'est pas un défi, mais une opportunité. Pendant des milliers d'années, les grandes religions du monde attirent les croyants vers ces deux continents (Asie et Océanie) et transforment leur vie pour la rendre plus utile et fructueuse pour leurs communautés. L'enseignement catholique insiste sur l'humanité de l'individu comme base de tous les contacts, dialogues et collaborations qui se sont déroulés au jour le jour en Asie et dans le Pacifique depuis des siècles (depuis le XVIe siècle, lorsque les premiers missionnaires sont arrivés). Aujourd'hui, nous pouvons trouver des milliers et des milliers de jeunes non chrétiens et non catholiques, avec leurs parents, qui considèrent le milieu salésien comme leur deuxième maison.
Quelle est la situation actuelle des Salésiens ?
Actuellement, les Salésiens sont environ 1433 (jusqu'en 2021), avec un âge moyen de 55 ans. Ils consacrent leur vie dans 80 écoles universitaires (desservant 110 000 étudiants) et plus de 40 centres professionnels (techniques, avec 10 500 étudiants) et 73 paroisses (desservant 137 541 fidèles), ainsi que plus de 100 oratoires (desservant 15 000 jeunes) et pensionnats / internats (45 desservant 4 000 pensionnaires). Parmi les sept Régions de la Congrégation, elle est la plus petite en nombre, mais très vivante en termes d'évangélisation et d'envoi de missionnaires ad gentes dans d'autres Régions. Les statistiques présentées au 28e Chapitre Général, en 2020, montrent que 40% des missionnaires actuels viennent de cette Région (2014-2020).
Quels sont les Pays et les œuvres les plus importants ?
Les changements sociaux après l'époque coloniale ont provoqué de nombreuses révolutions et de nombreux Pays asiatiques sont entrés dans l'arène mondiale avec de grands espoirs de rattraper les autres États. L'éducation a toujours été l'outil le plus efficace. De nombreux missionnaires salésiens ont apporté le charisme salésien avec leur zèle missionnaire, un charisme qui se concentre sur le développement humain et chrétien à travers des œuvres traditionnelles telles que les écoles, les écoles techniques qui peuvent être liées ou entourer une communauté paroissiale. Celles-ci sont encore très efficaces dans divers Pays en développement, semi-développés ou même développés, car elles s’adressent aux jeunes pour les transformer en bons citoyens et croyants dévoués. Même dans les stations missionnaires où l'évangélisation semble être au centre de l'attention, tôt ou tard les Salésiens lancent une forme de programme éducatif pour améliorer la vie des jeunes pauvres de ces zones. Les pensionnats ou les foyers accueillant des centaines de jeunes sont encore répandus dans de nombreuses provinces de l'AEO, car ils répondent aux besoins des jeunes qui ont désespérément besoin d'un environnement sûr et adéquat pour leurs études et leur formation religieuse. On sait que beaucoup de ces œuvres sont très appréciées par le gouvernement et bon nombre d'entre elles reçoivent son soutien.
Et ceux qui inspirent le plus d'espoir ?
Ce sont les jeunes qui inspirent le plus d'espoir. Dans de nombreuses maisons, écoles ou oratoires salésiens, nous pouvons trouver des milliers et des milliers de jeunes qui les fréquentent pour recevoir une forme de formation. Dans ce contexte, la croissance du charisme salésien est assurée pour les générations futures, car de nombreux jeunes aspirent à continuer les bonnes œuvres que les Salésiens leur ont offertes et, à leur tour, ils assumeront leurs responsabilités. Nous pouvons voir que même dans une société où l'Église est minoritaire ou où la société devient de plus en plus fortement sécularisée, Dieu appelle encore les jeunes catholiques à entrer dans la vie salésienne.
On perçoit toujours une structure familiale solide et un lien fort qui insiste sur la haute valeur de la communauté. Non seulement les jeunes pauvres qui sont déracinés de leur village et de leur famille pour aller en ville pour trouver du travail, mais aussi les jeunes professionnels les plus performants voient dans la famille le fondement d'une prospérité continue dans leur vie. Plus l'Église travaille sur la pastorale familiale, plus l'institution éducative salésienne inculque et forme les jeunes à vivre les valeurs familiales, et plus la société est sur la bonne voie pour son développement, malgré toutes les menaces extérieures des médias ou de la propagande libérale. Et c'est une dimension forte nourrie par le charisme salésien.
Quels sont les problèmes les plus aigus de ce moment ?
Le principal est de savoir comment vivre notre identité charismatique salésienne. Les Salésiens de l'AEO ont eu beaucoup de succès dans la gestion des paroisses, des écoles et des oratoires. Certaines Provinces ont laissé des héritages indéniables avec des gloires dans le passé et aussi dans le présent. De nombreux fondateurs du charisme salésien ont été élevés aux honneurs des autels (Saint Louis Versiglia et Saint Calixte Caravario) ou sont sur le point de l’être (Cimatti, Braga, Majcen). Ils ont quitté leur Pays pour venir en Extrême-Orient, non seulement pour éduquer, mais aussi pour évangéliser les jeunes et toutes les personnes (!). Le christianisme a quelque chose d'unique et de spécial à offrir aux peuples d'Asie et du Pacifique : Jésus-Christ. Sous l'impact mondial, de nombreux Pays de l’AEO deviennent également de plus en plus laïcs, malgré leurs racines familiales religieuses. En tant que mystiques dans l'Esprit Saint, les Salésiens sont appelés à témoigner de l'anthropologie chrétienne complète esquissée par Jésus le Seigneur dans leur vie quotidienne et dans leurs services.
Dans le même temps, les différences culturelles, ethniques et même religieuses, au lieu d'être un trésor commun à partager, pourraient être manipulées par des forces politiques avides de pouvoir et devenir des facteurs désastreux de déstabilisation interne ou régionale des Pays.
Quels sont les besoins les plus urgents ?
Chaque Pays doit faire face à ses propres urgences, qui sont assez différentes et en quelque sorte contradictoires. Cependant, quel que soit l'état atteint par le Pays dans sa transformation sociale et économique, « les pauvres sont toujours avec vous ! » D'instinct, les Salésiens sont attentifs à reconnaître les différentes formes de pauvreté qui affectent les jeunes (minorités ethniques, immigrés, travailleurs migrants, etc.). Comment faire en sorte que les forces internes tendent la main à ces jeunes marginalisés et assurent leur avenir ?
Reconnaissant ces besoins, il est difficile pour une Province salésienne d'offrir la solution sans entrer en partenariat avec d'autres Provinces, comme le demande le Recteur Majeur.
Comment voyez-vous l'avenir ?
La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Avec l'Asie du Sud, 33% de la population mondiale réside dans cette région. Le champ apostolique de l'Église et des Salésiens en particulier est extrêmement vaste. En même temps, l'Église invite ses fidèles d'Asie et du Pacifique à entrer dans un triple dialogue : dialogue avec les pauvres, avec la culture et avec les religions. Avec leur identité charismatique missionnaire, les Salésiens sont engagés dans l'éducation et l'évangélisation, en donnant la priorité aux jeunes pauvres en tant que partie sensible de la société.
Ayant grandi et travaillé dans une Province (VIE) qui a presque tout perdu pendant et après la guerre (1954 et 1975), en rassemblant quelque chose de très humble pour recommencer, je crois qu'aucune difficulté, aucun défi (interne ou externe) ne peut empêcher les Salésiens de consacrer leurs services aux jeunes en difficulté : Dieu aime les jeunes ; Don Bosco aimait les jeunes ; les besoins des jeunes sont évidents, c'est-à-dire que la mission salésienne est significative. Il appartient à chaque Salésien de mener à bien cette mission qui est confiée à lui ainsi qu'à sa communauté par Dieu.
Source : Bollettino Salesiano
